féticheur lion du sol

a m p e f y . m a d a g a s c a r









23 : 14 Ils te craignent, petit dragon invisible. Alors, tu te dérobes sur la branche. Ton regard est si fascinant ; ils disent que tu regardes et vers le passé et vers l'avenir. Que vois-tu qui les effraie tant ? Serais-tu une sorte d'oracle que le dieu perdu dans l'herbe nous a envoyé ?
 

Nos chemins se croisent maintenant souvent, pas très loin du citronnier. Je ne te vois pas toujours.
Mais toi, tu me vois.
Immobile, tu m'observes passer les pieds dans l'herbe. Ma main glisse dans le feuillage, mes doigts frôlent ton petit corps qui devient alors vert. Ton œil gauche fixe le lourd citron et ton droit examine mon pouce et mon index. Tu me dévisages saisissant le fruit délicieux puis ma main géante se dégageant de ta cachette. Je t'imagine pétrifié de trouille. Vert de peur. Devin caméléon insulaire. As-tu lu les lignes de ma main ?
Que t'a murmuré l'esprit de mes ancêtres ? Que sais-tu de ma destinée ? Quelle est la voie à suivre ici au pays natal ?
Comment me diras-tu la bonne aventure, joli mage ? Dois-je attendre un signe quelconque ? Un citron fade ou bien sucré ?

Aujourd'hui, je t'ai aperçu, mais tu ne m'as pas vu, tu dormais, tes yeux fous étaient clos, à ma voix tu ne t'es pas réveillé.

Je te murmurais ceci. Sur cette île je suis venue soulever la peau du monde pour regarder, je suis venue aimer ce qu'il y a de plus ordinaire en moi, je suis venue m'initier et apprendre à regarder autrement. Et je t'ai vu. Je t'ai enfin trouvé, pourtant si bien caché dans la branche. J'ai compris que j'avais trouvé le dieu perdu dans l'herbe.
Tu es caméléon, tu es partout ; dans les yeux du lézard, dans la chair du citron, dans la sève de la branche. Et je le suis aussi.  Nous le sommes tous.
Je t'ai enfin saisi. Animisme.