dame Laskarina

s k i r o s . g r e e c e
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
11 : 45 
Hier, nos routes se sont croisées. Une auto-stoppeuse marine qui traversait la Mer Égée, d'Istanbul à Spetses. Elle est montée à bord avec pour seule fortune une bourriche d'oursins, une bouteille de vin et sa liberté. Nous avons accosté dans la baie d'une île. Nous avons trinqué et partagé nos états d'âme sur l'univers insulaire. Comme la retzina, les îles nous ont fait tourner la tête.

Je lui demandai :
- A-t-on assez parlé, chanté, rêvé des îles ? Des poèmes, des tableaux, des légendes… inventons l'art insulaire !
- Chiche! À croire qu'elles seraient les seuls endroits au monde susceptibles d'engendrer des mythes ou de la béatitude, de receler des trésors cachés ou des paradis perdus.
- Tu oublies l'amour absolu ! Celui qui rend fou les corps et les âmes. Comme s'il ne pouvait naître que sur leurs rivages, depuis qu'Aphrodite a vécu sur l'île de Cythère.
Elle se mord les lèvres :
- Justement, l'homme est un animal social et se retrouver seul, face à lui-même, ne laisse aucun repos, ni même aucune chance de survie. Parce que, mon amie, l'île isole. C'est une redondance mais ô combien explicite.
- L'absence de lien avec le reste du monde, avec l'extérieur en mouvement. Cela peut rendre fou c'est vrai! Alors disons que tu n'as qu'une de ces trois personnes à emporter avec toi sur cette île : de l'homme de religion, de l'homme de politique, de l'homme d'argent, lequel choisis-tu ?
- Infernales perspectives ! À choisir je choisis mes propres chaînes. Je prends la folie.
- Mais je crois, moi, que tu n'as pas perdu la raison. Au contraire ! La folie ne s'empare que des gens sains d'esprit!
Et nous avons parlé, chanté, rêvé d'îles à en perdre la tête.